CORRIGER LES PERTES AUDITIVES


Actuellement, dix millions de personnes en France présentent une perte auditive gênante dans leur vie quotidienne. Après 50 ans, une personne sur trois s’en plaint et après 80 ans, une personne sur deux. Les pouvoirs publics en ont pris conscience et proposent une prise en charge totale des prothèses auditives de base, ce qui est une avancée considérable.


L’audition est le résultat d’un long parcours de vibrations aériennes et osseuses et d’influx nerveux allant du pavillon et du conduit auditif à l’aire auditive sur le cortex cérébral. Au cours de son cheminement, le son pourra être atténué ou interrompu à plusieurs niveaux, ce qui crée un handicap auditif : la surdité.
Celle-ci peut provenir d’une anomalie génétique, d’un traumatisme ou d’une maladie.

Deux solutions se présentent aux personnes sourdes : soit le refus du handicap et l’adoption d’un autre mode de communication, soit la tentative d’améliorer la situation pour rester dans le monde des « entendants ».
Dans le premier cas, une éducation sera mise en place par la gestuelle : c’est le langage des signes, la lecture labiale ou la langue parlée complétée (LPC). 170 000 personnes en France pratiquent ces techniques.
Dans le second cas, des appareillages de plus en plus sophistiqués seront proposés. C’est cela que nous souhaitons présenter.

Les sons sont des vibrations de l’air qui nous entoure et qui sont perçus par nos oreilles. Chez un individu normo-entendant, les sons parviennent à l’oreille interne par le biais du tympan et de la chaîne des osselets. C’est la voie aérienne. Mais si le tympan et les osselets sont fonctionnellement absents, les vibrations perçues par l’oreille interne proviendront de la transmission par voie osseuse.

Appareillage par voie aérienne
L’amplification de l’onde sonore par voie aérienne a été tentée depuis l’aube de l’humanité ! Main en cornet derrière le pavillon de l’oreille, coquilles et cornets acoustiques divers, avec au XVIIIe siècle le cornet acoustique du Dr Le Cat qui permettait un gain de 15 dB ! Il faut attendre l’arrivée de l’électricité pour qu’en 1895, Miller Hutchinson invente le premier appareil auditif qui permet d’élever considérablement le niveau sonore. 
Par la suite, des améliorations incessantes sont intervenues, permettant de traiter le message sonore en fonction de la surdité. Ce sont d’abord les transistors, puis les circuits numériques, les microprocesseurs, les circuits imprimés, permettant des gains en puissance, en qualité et surtout en miniaturisation très importants.

Deux options sont possibles : soit une prothèse implantable nécessitant une intervention chirurgicale et encore de nos jours une partie externe à surveiller (l’audio-processeur, maintenu en place par aimant), soit une prothèse externe dont il faudra prendre grand soin. Ce sont les prothèses conventionnelles, largement plébiscitées. 600 000 personnes sont actuellement appareillées avec des prothèses auditives conventionnelles. Celles-ci sont de trois types : les contours d’oreille, les intra-conduits, les micro-contours.

L’utilisation de composants électroniques a permis de réduire, à qualité sensiblement égale, la taille de ces prothèses et d’y adjoindre des applications améliorant encore le confort telles la directivité du son, le masquage des acouphènes, l’atténuation du bruit ambiant et du vent, le Bluetooth qui permet de recevoir ses appels téléphoniques directement dans l’oreille et de suivre une émission de radio ou de télévision avec une qualité sonore remarquable, sans gêner l’entourage, ainsi des appareils rechargeables.

Le choix devient plus un problème esthétique et de coût que d’audition. L’audio-prothésiste a la possibilité de régler l’amplification sur chaque fréquence selon le meilleur résultat pour le patient, pratiquement quel que soit le degré de surdité appareillable ! Mais une prothèse auditive est un « petit bijou’ » dont il faut prendre grand soin !

Depuis le 1er janvier 2021, les pouvoirs publics demandent aux audio-prothésistes de proposer à leurs clients des prothèses auditives avec zéro reste à charge (classe 1). Ils pourront toutefois proposer des prothèses plus sophistiquées avec toute une gamme de produits de confort, à un prix libre (classe 2), la correction auditive étant sensiblement la même pour une perte auditive moyenne.

Lorsque la voie aérienne est utilisable (tympan et osselets fonctionnels), celle-ci pourra être améliorée par la mise en place de prothèses implantables (les implants d’oreille moyenne). Les vibrations sonores sont captées par un écouteur externe fixé au-dessus de l’oreille, amplifiées et transmises à un vibrateur fixé sur un osselet (le plus souvent l’étrier).

Le résultat est moyen : l’amplification est réglable mais la qualité sonore reste inchangée.
Cette technique nécessite une intervention chirurgicale délicate et n’apporte une amélioration que sur l’oreille opérée. Elle pourra bénéficier sous peu d’un certain regain de popularité lorsque le boîtier externe sera lui-même inséré sous la peau. Toute contrainte liée à l’appareillage disparaîtra !

Appareillage par voie osseuse 
Parfois, l’appareillage par voie aérienne est impossible. Or, le corps entier baigne dans les vibrations sonores qui le pénètrent, atteignent les os, notamment le crâne et par transmission osseuse rejoignent directement l’oreille interne, lieu de la transformation des vibrations en influx nerveux, de façon bilatérale.
Cependant, une grande partie de l’énergie est absorbée par les structures rencontrées et le résultat se traduira par une perte auditive de 60 dB par rapport à une audition normale. Plusieurs solutions sont proposées pour amplifier cette transmission vibratoire :
Un vibrateur au contact des os du crâne (serre-tête pour conduction osseuse, lunettes auditives avec connexion Bluetooth possible). Le résultat est bon mais encombrant, et parfois désagréable au point d’appui.
Le vibrateur peut être inséré sous la peau dans une logette osseuse : c’est le BAHA (Bone Anchored Hearing Aid) ou implant auditif à ancrage osseux. Le résultat est encore supérieur mais nécessite une intervention chirurgicale minime et le port d’un petit boîtier externe dans la chevelure. Cette solution est proposée lorsque la conduction sonore ne peut pas se faire par voie aérienne
o soit par suite d’une malformation de l’oreille externe (imperforation du conduit auditif), d’une malformation ou d’une absence ossiculaire, d’une luxation ou d’un blocage d’un osselet (otospongiose),
o soit d’une destruction des structures de l’oreille moyenne par suite d’une infection, d’un processus expansif (cholestéatome) ou lorsqu’un acte chirurgical fonctionnel ne peut être réalisé.
o soit enfin lorsque le résultat d’un appareillage classique est insuffisant en termes de puissance ou de qualité sonore.

Les implants auditifs
Hélas, il existe des surdités profondes provenant d’une destruction de l’oreille interne. Ce sont les surdités de perception pour lesquelles l’appareillage conventionnel, quel que soit sa puissance, est inefficace. Les cellules sensorielles de l’oreille interne ont été détruites ou génétiquement absentes et ne produisent plus aucun influx dans le nerf auditif.
Dans ce cas, il est possible chirurgicalement d’insérer des électrodes au contact du nerf auditif et d’envoyer dans ce nerf des impulsions électriques provenant d’un processeur périphérique simulant les influx produits normalement par l’oreille interne.
Cet appareillage s’appelle l’implant cochléaire. Il ne s’adresse guère qu’aux surdités très profondes, voire totales, et aux surdités congénitales. Les résultats ne cessent de s’améliorer et après quelques séances d’orthophonie, la perception du message sonore devient très acceptable et permet aux personnes atteintes de surdité profonde, voir totale, de mener une vie normale.
Parfois, les électrodes ne peuvent pas techniquement être insérées dans la cochlée. Reste alors la solution d’aller les implanter dans le tronc cérébral : c’est l’implant du tronc cérébral.
L’intervention neurochirurgicale est très délicate et le résultat très médiocre, ne permettant tout au plus d’entendre la voix mais sans pouvoir en comprendre le sens. 

En conclusion
Ainsi, il existe une gamme étendue d’appareillage pour les pertes auditives ; dans la grande majorité des cas, l’appareillage conventionnel est suffisant et performant. Parfois, certaines surdités de transmission sont opérables avec d’excellents résultats. C’est le cas de l’otospongiose ou des greffes tympono-ossiculaires. L’intérêt est de ne plus avoir le souci de l’appareillage !
Toute correction auditive nécessite un rendez-vous chez un oto-rhino-laryngologiste (ORL), qui pourra proposer une intervention et dans certains cas ou un appareil auditif adéquat. 

Dr Jean-Claude Roche,
Médecin régional Nouvelle-Aquitaine
Illustrations :
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